'Ere we go ?

Mardi 7 avril. Un jour important pour notre brave Mugetsu. S'il jouait finement, il pourrait envoyer une première équipe dans le Tartarus. Enfin, il fallait une soutien à cette équipe de têtes brulées. Et il avait justement cela dans ses contacts. Bien entendu, il faudrait le convaincre. Pour l'instant, il n'avait pas encore parlé à l'homme du SEES. Et puis bon, une personne saine d'esprit y réfléchirait à deux fois avant de se jeter dans le nid de monstres assoiffés de sang avec pour seule protection une équipée d'ados avec très peu d'expérience.

Pendant quelque minutes, Mugetsu resta assis dans son fauteuil, les yeux dans le vague. Puis il secoua la tête et regarda l'heure. Presque midi. Il allait l'inviter à prendre le repas ici. Ainsi, ils pourraient discuter. Mugetsu sortit son portable de sa poche et tapa un message. Hope and Faith.

"Umineko-san.
J'ai besoin de vous parler
à propos de vous savez
quoi. Rendez vous au
Dortoir que je dirige le
plus tôt possible.
Yamamoto".

Au réveil, Noritaka fixa longuement le calendrier accroché sur la porte de sa chambre. Aujourd'hui avait lieu sa première rentrée des classes au lycée Gekkoukkan. Bien qu'il y travaillât depuis maintenant plusieurs mois, il allait connaître une rotation d'élèves, et il espérait que les plus jeunes ne seraient pas plus turbulents que ceux qui venaient de partir. De toute façon, il comptait bien rester cloîtré dans son bureau toute la journée, à observer l'attitude des lycéens pour cette rentrée par la fenêtre.

Et c'est ce qu'il fit toute la matinée. Alors que toujours plus de paperasse - poussiéreuse au possible après avoir passé les vacances sans être manipulée - s'accumulait et formait des barricades improbables sur le bureau de Noritaka, ce dernier faisait face à sa fenêtre, un livre à la main. Les volets étaient à demi-fermés, ce qui lui permettait de surveiller l'extérieur, tel le grand méchant loup caché entre les arbres, examinant le petit chaperon rouge à travers les fougères.

Vers midi, une vibration vint troubler son petit jeu ; c'était un message du directeur du dortoir, lui demandant de le rejoindre le plus vite possible. Contrarié, Noritaka décida qu'il ne bougerait pas si la prochaine à passer devant sa fenêtre portait un uniforme, ce qui avait de grandes chances d'arriver. Se déplacer jusqu'au dortoir ne lui disait vraiment rien.

Il maugréa. Un jardinier vint tailler un buisson. Posant délicatement son livre sur une pile de dossiers, il saisit son grand manteau, le ferma tout en pestant contre la chaleur puis sortit de son bureau, non sans avoir vérifié, l'oreille contre la porte, que personne ne marchait dans le couloir. Son expérience dans le lycée lui permit d'éviter la foule en empruntant les recoins les plus déserts du lycée. Le reste du trajet fut un calvaire, l'enfer des autres. Une fois arrivé, il toqua et entra d'une seule traite dans le bureau de M.Yamamoto, ne voulant pas passer une seconde de plus à "l'extérieur". Sans bouger, il réfléchit à une phrase convenable qu'il récita ensuite :

"Bonjour Yamamoto-san, vous vouliez me voir ? Un problème ?"

Que de diligence. Mugetsu ne s'était pas vraiment attendu à voir l'homme arrivé si vite. Bonne surprise. Maintenant, savoir jouer avec son attention pour le conserver avec lui. Il fixa l'homme quelque secondes, sourit, et se leva. D'un ton mesuré, le Directeur lacha :

- Umineko han, j'ai de bonnes nouvelles. Et je parie que vous allez apprécier.

Il sourit encore une fois et se dirigea vers un petit meuble. Il sortit un trousseau de clés de sa poche et en prit une petite dorée, qu'il inséra dans le trou. D'un coup de poignet habile et délicat, il fit gémir l'antique serrure et ouvrit la porte, montrant à la vue de l'homme un petit bar rempli de différents alcools. Le Directeur sortit deux verres, une bouteille, et posa le tout sur le une petite table. Il se dirigea ensuite vers un bureau et en sortit trois dossiers, qu'il tendit à l'homme.

- Nous avons trois nouveaux camarades de jeu. Avec un peu de chance, nous pourrons aller nous amuser un ce soir, mais nous avons besoin de vous.

Noritaka ne buvait pas d'alcool ; tout du moins, pas en public. Il ne voulait pas risquer de perdre le contrôle de ses paroles à cause d'une malheureuse gorgée superflue. Repoussant les verres d'un revers de la main, il s'empara donc des dossiers qu'il étala sur le bureau. Après un rapide coup d'œil aux trois photos, il soupira :

"Des enfants. Là-bas, le loup qui rôde fera plus que souffler sur ces trois petits cochons. Savent ils au moins ce qui les attend ?"

*Mieux vaut paraître sceptique, ça fait plus sérieux*

Enfin. Depuis des mois, Noritaka vivait une heure supplémentaire, mais ne faisait qu'attendre que ça passe. On lui avait donné quelques informations, il en avait mis certaines en pratique, mais le grand soir n'était pas encore arrivé. Et aujourd'hui, grâce à ces nouvelles recrues -jeunes et inexpérimentées, mais cela n'avait pas d'importance- il allait réellement vivre cette heure. Tout en attendant d'autres explications de la part de M. Yamamoto, il saisit les trois dossiers et fit semblant de les étudier, afin de cacher son excitation.

Toujours a l'affut, Mugetsu notait toutes les réactions de l'homme. Quand on tente quelque chose d'extrêmement dangereux, il faut a tout prix savoir comment vont réagir les différents protagonistes. C'est pour cela que, bien compartimenté dans son cerveau, Mugetsu possédait un savoir, encore assez rudimentaire certes, sur la psyché de ses camarades. Et l'oeil brillant de l'homme était une bonne information.

Sirotant doucement son verre, Mugetsu laissa le temps au temps, avant de reprendre la parole pour répondre a son interlocuteur.

- Le but de ces missions est justement de savoir quel genre de grand méchant loup se cache dans le donjon.

L'homme posa son verre, se leva et rangea les bouteilles, puis ferma a clé. Mieux vaut éviter de laisser trainer tout cet alcool. Puis il reprit :

- Et puis, ce serait beaucoup moins drôle ... Allons nous nous en sortir, ou nous faire broyer ? C'est un peu une loterie.

En s'attardant un peu plus sur les visages des trois mousquetaires en herbe qui allaient partir à l'assaut du lieu riche en surprises qu'était Tartarus, Noritaka se demanda si elles allaient s'entendre. Les trois jeunes filles avaient des airs si différents qu'il était assuré que personne ne les eût cru amies au premier coup d'oeil. Cependant, ces différences ne feraient que mettre un peu de piment dans l'aventure ; l'adulte ne se risquerait pas à rentrer, alors qu'elles s'entretuent n'était pas une source d'angoisse pour lui. Au mot loterie, Noritaka se retourna vers M. Yamamoto et lui offrit un grand sourire, appréciant particulièrement l'image :

"Bref, je n'avais rien de prévu pour ce soir, alors je suppose que je serai disponible pour cette loterie. Sur ce, si vous voulez bien m'excuser, je ne voudrais pas prendre trop de retard dans mon travail. A très bientôt"

Noritaka salua le directeur du dortoir, puis sortit, sans attendre une quelconque réponse. Cet entretien n'avait de toute façon été qu'un simulacre de négociation, et Noritaka souhaitait laisser éclater sa joie dans un endroit un peu plus intime. Sur le chemin du retour, il trépigna à nouveau, mais cette fois la présence d'autres personne lui fut parfaitement égale : presque 12h à attendre, c'était trop long, il voulait jouer tout de suite.