Chasse désespérée

Naoya était complètement essouflé. Il regardait partout autour de lui, comme un animal effrayé. Mais où était-il passé ? Paulownia Mall était remplie de personnes en tous genre, et il était difficile de retrouver un petit félin dans la foule. Surtout en fin d 'après-midi en fait. Le garçon habituellement calme et sûr de lui se retrouvait complètement démunis lorsqu’il s’agissait de perdre son petit chat. En un sens, c’était assez bizarre de le voir comme ça.
Ça faisait maintenant plus d’une heure qu’il suivait sa piste, demandant sans cesse aux passants ce qu’ils avaient vus. Des gouttes de sueur commençaient à apparaitre sur son visage pâle. Pour ne rien arranger, Naoya n’avait rien d’un sportif. Courir dans tous les sens, c’était pas vraiment son truc.
Après une minute supplémentaire, il décida d’aller s’asseoir un peu devant la fontaine au milieu du centre commercial pour reprendrre son souffle. Qu’est-ce qui lui avait pris de s’enfuir comme ça ? Yoshida se posait cette question tout en poussant quelques soupirs. Il checka rapidemment son portable pour voir si personne ne l’avait retrouvé ou aperçu. En fait, il s‘était empressé de prévenir tous ses contacts au moment où il avait découvert sa disparition.
Il s’avança alors près de l’eau et se lava le visage., reposant ses yeux couverts de cernes, comme d’habitude. C’est alors qu’une voix retentit dans ses oreilles :

- Vous cherchez quelque chose ?

Le jeune homme tourna lentement la tête pour aperçevoir une petit fille munie d’un cartable rouge. Il avait la tête complètement innondée. Pendant une seconde, il réalisa qu’il devait avoir l’air bizarre au milieu de la foule.

- Vous n’avez pas l’air d’aller bien. Vous devriez prendre exemple sur lui, papa dit toujours que c’est le nouvel espoir.

La petite désigna une affiche représentant un joueur de basket, sur le mur opposé. Naoya la fixa quelques secondes sans dire un mot. Qu’est-ce qu’il pouvait bien en avoir à faire de ces mannequins sportifs ? Est-ce que la petite était en train de se moquer de lui ?
Il détourna le regard pour reprendre une dernière inspiration, avant de se redresser. Il rattrapa aussi son téléphone sur le rebord pour le remettre dans sa poche.

- Hey, dis moi. Tu n’as pas vu un chat se ballader tout seul un peu partout, par hazard ? Nan en fait, laisse tomber...

Il fit volte-face et commença a repartir dans l’autre sens, mais la gamine éleva sa voix aigue :

- Un chat ? En fait, il y en a un juste là. Il est assez mignon. Et il a l’air un peu fatigué lui aussi.

Un chat ? Juste ici ? Yoshida se retourna et aperçut un petit félin blanc en train de dormir tranquillement, à l’endroit où la petite l’avait indiqué. C’était lui ! Comment il pouvait se la couler douce alors qu’ils étaient tous à sa recherche ? x_x
Naoya commença a courir vers lui, laissant la petite sans voix. Mais il y avait du monde, beaucoup de monde. Et au moment où il atteignit enfin sa cible, celle-ci avait disparue.
Il chercha tout autour de lui avant d’aperçevoir le chat se faufiler dans une librairie, tandis qu’un client poussait la porte.

- Cette fois, tu ne peux plus t’enfuir !

Le garçon accourut jusqu’à la boutique de livres en bousculant quelques passants. Il ouvrit sèchement la porte, tandis qu’une petite cloche retentit au même moment.

Shizuka rangeait leurs dernières nouveautés sur le présentoir à l'entrée de la boutique. La librairie dans laquelle elle travaillait n'était certes pas la plus grande du Paulownia Mall, mais elle était assez connue pour que ses étalages soient vides lors de la sortie d’un best-seller. C’était une de ces semaines là, et ils avaient été très occupés, alors Shizuka profitait d’un moment de répit. Le Paulownia Mall était bondé aujourd’hui et il était étonnant que tous les employés ne soient pas occupés par un client qui ne sait pas lire les dates de sorties ou comprendre leur système de rangement pourtant identique à celui de toutes les autres librairies. Elle passa devant l’un de ses collègues et amis qui s’employait tant bien que mal à aider une femme à choisir un bon livre pour sa fille. Elle lui adresse un sourire compatissant alors qu’elle se dirigeait vers un rayon à l’avant du magasin, les bras chargés de livres qui n’avaient pas été remis à la bonne place.

*Ah, je la connais elle, l’une des rares personnes à savoir me faire perdre mon sang froid… Mon pauvre, je te souhaite bien du courage.*

Elle rit discrètement tout en montant sur un petit escabeau en bois pour atteindre les étagères les plus hautes. Elle affichait un large sourire lorsqu’elle eut fini, ayant continué sur sa lancée et s’étant remémoré les pires clients réguliers qu’ils avaient. Son travail l’empêchait souvent de pouvoir discuter longtemps avec ses collègues, alors elle s’était habituée à ces longs monologues privés.
Elle arrangea les baguettes qui tenaient sa chevelure en place, vérifia pour la millième fois de la journée l’état de son vernis rouge cardinal, parfaitement accordé au veston rouge obligatoire pour les employés, et se dirigea vers la caisse pour parler avec sa collègue qui avait l’air de s’ennuyer mortellement du manque de clients. La clochette retentit à ce moment, et Shizuka se retourna mécaniquement pour accueillir le client d’un « Bienvenue ! » enthousiaste auquel l’homme ne prêta pas attention. Perdue dans ses pensées et maudissant le manque de politesse des gens, elle ne remarqua pas plus que les autres le petit félin blanc qui s’était faufilé dans la boutique en même temps que l’homme, et qui se dirigeait discrètement vers l’arrière du magasin et la porte de la réserve restée légèrement entrouverte. La clochette tinta à nouveau et Shizuka offrit le même accueil au nouvel arrivant qui retint son attention.

*Woah, un client essoufflé et… Mouillé ? Quoi, il vient de courir un marathon ?... Mon dieu, tout en noir et avec ces cernes, il ferrait peur à un fantôme ! Il a l’air perdu, en tout cas j’ai pas l’impression qu’il soit ici pour acheter un livre. Enfin, on ne sait jamais.*

Après quelques instants à l’observer, elle se décida. Pas question de laisser un client, aussi étrange soit-il, dans le besoin ! Elle s’approcha du jeune homme en souriant.

« Bonjour je peux vous aider ? Vous cherchez quelque chose en particulier ? »

On à tous nos raisons…
Un jour ou l’autre on a tous eu besoin d’aller chercher des infos que ce soit sur Internet, chez le toubib, dans un journal, à la mairie, auprès du clochard au coin de la rue, en allant prier, ou même dans un resto… En réalité Saga avait déjà épuisé toutes les précédentes ressources et sans succès évidemment… sinon ça aurait pas été drôle. Donc en désespoir de cause il fut contraint de se tourner vers le lieu le plus improbable où on aurait pu le trouver… au karaoké du Paulownia Mall… Il y aura passé facile une bonne demi heure, demandant à toutes les personnes qui passèrent sous ses yeux. Pour le coup il pouvait aisément passer pour un cinglé… Toujours aucunes traces de ce foutu félin…

Vous vous demandez surement pourquoi Saga était à la recherche d’un félin n’est ce pas ? Hé bien tout commença en cette fraîche matinée printanière. En réalité Saga avait pour projets de s’acheter un peu de lecture… Vu qu’il se faisait *bip* comme un rat mort durant son temps libre il s’était dit qu’un peu de lecture ne serait pas de refus. Surtout que la lenteur à la quelle il lisait relevait du mythique, ce genre d’investissement se voyait plus que rentable dans son cas. Seulement il y avait un loup dans son cas, bien qu’en l’occurrence il s’agisse d’un chat…

Aussi improbable que cela puisse paraitre, alors que Saga était assis sur un des banc présent devant la gare de Port Island, en train de compter la somme exacte qu’il transportait avec lui, un félin vint lui tenir compagnie. Il se mit à renifler le porte monnaie de Saga, ou plutôt un des billets qu’il contenait. Amusé par le quadrupède Saga lui parla.

« Salut le chat. »

La créature… toujours aussi improbable que cela puisse paraitre miaula en guise de réponse. Mais là ou ça devenait moins drôle c’est que la mâchoire du félin vint se refermer sur le billet que Saga tenait entre ses doigts, avant de disparaitre dans la foule. Saga quant à lui, resta figé sur son banc, réalisant l’ampleur de la situation…

« Est…est ce que chat vient de me piquer mon argent ? »

Ressassant cette farfelue théorie dans sa tête mainte et mainte fois, Saga décida de partir à la chasse au fauve. Il failli à le rattraper par trois fois : Une fois dans devant le Cinéma, une fois devant son lycée et une dernière fois à un coin de rue. Il était maintenant dans le Paulownia Mall quand il vit le ravisseur de sa fortune passer sous ses yeux et entrer dans une librairie. Tiens d’une pierre deux coups. Saga le suivi à la trace et entra dans l’établissement tel un furieux et en ferma personnellement la porte avant de se tourner vers son nouveau terrain de chasse.

« Cette fois, tu ne peux plus t’enfuir ! »